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procédé reste très irrégulier (de deux à six millimètres d'épaisseur). Loin de constituer un défaut, ces accidents de fabrication seront mis à profit pour figurer des détails ou moduler le rayonnement de certains verres.
Pour obtenir des verres colorés, on ajoute des oxydes métalliques pendant la fusion. Le rouge est obtenu en ajoutant de l'oxyde de cuivre, le bleu s'obtient avec de l'oxyde de cobalt, le violet avec le peroxyde de fer. Là encore, la recette ne suffit pas, il faut aussi le tour de main : un même oxyde peut donner des teintes très différentes en fonction de la température et de la durée de la cuisson des verres.
Les maîtres-verriers utiliseront la technique des Verres gravés. Ce procédé permet de faire ressortir de petites tâches de verre blanc dans une pièce de verre colorée sans repasser par l'intermédiaire d'une mise en plomb. La fabrication des verres colorés ne constitue que l'une des facettes de l'art du maître-verrier. Il lui faudra maintenant moduler les couleurs et modeler les formes en utilisant de la grisaille.

b) Composition d'un vitrail
Pour composer son vitrail, le peintre-verrier utilise un carton. L'artiste apparaît alors quelque peu prisonnier d'un modèle qu'il reproduit, presque mot à mot, d'une verrière à l'autre. Les maîtresses-vitres de Guengat et de Guimiliau ont ainsi le même modèle. La différence de facture entre ces deux vitraux est cependant élevée car l'artiste, même emprisonné dans son modèle, se diffère grâce à son habileté et à la maîtrise de son art.

c) Les vitraux, témoins de l'histoire
Les vitraux bretons racontent l'histoire seigneuriale. Il était en effet de tradition que les nobles ou les ecclésiastiques qui avaient fondé ou qui avaient contribué à son édification inscrivissent leurs armoiries au tympan des verrières. Elles ont malheureusement disparu en grande partie lors de la Révolution.


a) Maîtresse-vitre du choeur
Elle comprend six lancettes consacrées à la Passion. Cette verrière est remarquable par ses bleus et ses rouges. Elle diffère à plusieurs égards du type d'origine allemande adopté à la Roche-Maurice (130) et à Saint-Mathieu de Quimper, mais offre pourtant certaines analogies avec celle de La Martyre. Le motif central est sensiblement le même, à l'exception de la Madeleine, dont la figure est très différente et qui entoure la croix de ses bras. Également au lieu des oriflammes qui encadraient si joliment le Christ, se dressent, un peu sèchement une lance et une éponge à l'extrémité d'un pique. A gauche, le bon larron ne porte plus de veste et est en corps de chemise, comme à Gouézec (à Notre Dame de Quillidoaré, en Cast, les larrons sont dépouillés de leurs vêtements). La sainte Vierge est tombée à terre, entourée de deux saintes femmes qui se penchent vers elle, tandis qu'au milieu saint Jean, debout et les mains jointes contemple le Christ. A droite, un valet du bourreau, procède à l'exécution du mauvais larron. Au pied du gibet, le bourreau avec ses autres aides assistent à l'exécution, et, devant ce dernier groupe, l'on retrouve deux cavaliers, mais au lieu de chapeau pointu entouré d'un turban, Joseph d'Arimathie porte un casque orné d'un plumet sur le côté que l'on retrouve à Pleyben et à Bannalec. La maîtresse-vitre de Guimiliau est quand à elle identique en ce qui concerne le carton.
Ce vitrail serait dû à Olivier LE SODEC
(131), de Quimper, ou aux Écoles du Nord dont le style était caractérisé par une certaine dureté des physionomies.
Aucun dais, aucune séparation matérielle entre les divers épisodes du drame est un élément à noter. Malgré l'époque relativement avancée (1571), la qualité du travail reste bonne. Les visages, en particulier, sont traités avec soin.

Explication des différents panneaux :
1. Notre Seigneur avec la Colonne de Flagellation. Il est vêtu d'un manteau rouge. Cette scène n'existe pas à la Roche-Maurice.
2. Le Seigneur portant sa croix. Il porte des vêtements de couleur pourpre. « Les soldats tressèrent une couronne d'épines, qu'ils posèrent sur ta tête, et ils le revêtirent d'un manteau pourpre »
(132). On remarque Simon le Cyrénéen qui aida Jésus à porter la Croix. « Comme ils l'emmenèrent, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et ils le chargèrent de la croix, pour qu'il la porte derrière Jésus » (133). Plusieurs femmes les suivent. « [Jésus] était suivi d'une grande multitude de gens du peuple, et de femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui » (134).Au-dessus, le temple de Jérusalem s'effondrant. La même scène figure à la Roche-Maurice mais le style est différent. Cette scène, à Guengat, surtout dans sa partie haute, aurait-elle été restaurée ?
3. La Sainte Vierge, en pâmoison, assistée de saint Jean, debout. Deux saintes femmes qui doivent être Marie de Magdala et Marie mère de Jacques le Petit et de José. « Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, et la soeur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala »
(135). La même scène se retrouve à la Roche-Maurice mais dans l'autre sens.
4. Le Bon Larron crucifié. Ses pieds et mains sont liés par des cordes. Au-dessus, un ange emporte son âme au ciel. Il y a de nombreux gardes à cheval autour. L'un d'eux tend une lance et un autre un bâton avec au bout quelque chose. Exactement la même scène à la Roche-Maurice et à Pleyben.
5. Trois soldats se partagent la tunique du Christ. L'un la tire à lui tandis qu'un autre menace le troisième avec un couteau. « Les soldats, après avoir crucifié Jésus, prirent ses vêtements, et ils en firent quatre parts, une part pour chaque soldat. Ils prirent aussi sa tunique, qui était sans couture, d'un seul tissu depuis le haut jusqu'en bas. Et ils dirent entre eux : Ne le déchirons pas, mais tirons au sort à qui elle sera »
(136). Cette scène n'existe pas à la Roche-Maurice.
6. Notre Seigneur en Croix. Une lance lui transperce le côté. « Mais un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l'eau »
(137). A sa gauche, un homme tient un bâton auquel est une éponge. « Il y avait là un vase plein de vinaigre. Les soldats en remplirent une éponge, et, l'ayant fixée à une branche d'hysope, ils l'approchèrent de sa bouche » (138). Ce motif remplace un peu sèchement les oriflammes qui encadrent si joliment le Seigneur à Gouézec. La Madeleine (reconnaissable à ses cheveux non voilés), dont la figure est très différente de celle de Gouézec, entoure de ses bras le pied de la Croix. A la Roche-Maurice, le fond est bleu et non rouge comme à Guengat.
7. Joseph d'Arimathie à cheval (sur le harnais du cheval est inscrit : « JOSVE ») regardant le Christ. Scène identique à la Roche-Maurice. En-dessous, un chien aboyant à la vue du partage de la tunique du Christ. A la Roche-Maurice, le chien, loin d'aboyer, tourne la tête dans l'autre sens.
8. Le Mauvais Larron attaché à sa Croix. Il tient entre ses mains liées une croix que l'on remettait aux condamnés se rendant au supplice. A ses côtés, se tient un démon qui l'excite à injurier le Christ mourant. A la Roche-Maurice, c'est un diable qui emporte l'âme du Mauvais Larron.
9. Au pied de la Croix est la sainte Vierge, soutenue par saint Jean (les mêmes qu'en 3.) et les saintes Femmes portant les aromates. Cette scène n'existe pas à la Roche-Maurice.
10. Déposition de Notre Seigneur de la Croix par Joseph d'Arimathie, qui reçoit le Christ dans ses bras, et Nicodème, qui est monté sur la Croix. « Joseph d'Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate la permission de prendre le corps de Jésus. Et Pilate le lui permit. Il vint donc, et prit le corps de Jésus. Nicodème, qui auparavant était allé de nuit vers Jésus, vint aussi, apportant un mélange d'environ cent livres de myrrhe et d'aloès »
(139). Cette scène n'existe pas à la Roche-Maurice.
11. Saint Fiacre, patron de la paroisse, vêtu d'une robe blanche et d'un scapulaire et capuce rouge. Il tient un livre ouvert et une bêche de jardinier. Dessous était inscrit « LAN 1571 », mention aujourd'hui effacée.
12. Notre Seigneur ressuscité sortant du tombeau la croix en main. Il est à noter que le tombeau est représenté en perspective. La scène est identique à la Roche-Maurice et à Pleyben.

I. Ange portant la tunique du Christ.
II. Ange.
III. Ange à l'échelle.
IV. Armoiries (aujourd'hui détruites) portées par des anges (une banderole porte l'inscription : « LES ARNES »).
V. Armoiries (aujourd'hui rosaces).
VI. Armoiries (aujourd'hui détruites).
VII. Couronne comtale portant les initiales : « C S ».
VIII. Ange avec Croix et tenailles.
IX. Ange avec le lavabo de Pilate.
X. Ange avec lance et éponge.
XI. Agneau crucifié.
XII. Personnage avec une lance.
XIII. Ange avec la Couronne d'épines.

Une partie du vitrail était, jusqu'aux années 1983, masquée par le maître-autel. C'est pourquoi on a changé de place à ce dernier
(140).


b) Verrière du bas-côté nord, au chevet
Posée dans un fenestrage rectangulaire sans remplage, elle comporte trois lancettes de trois panneaux qui proviennent d'oeuvres diverses.
Les trois panneaux inférieurs appartiennent à une grande scène du Jugement Dernier et devaient, en conséquence, faire partie d'une autre fenêtre. Ce vitrail rassemble dans un cadre Renaissance divers éléments qui sont de bonne composition. Il est utilisé dans ce vitrail la technique des Verres Gravés dans l'étoile de la Nativité et dans la Colombe du Baptême du Christ.
1. Cinq bustes d'apôtres parmi lesquels on reconnaît saint Pierre, portant les clefs, et saint Jean, tenant une coupe d'où sort un dragon. On distingue aussi le bas du visage de deux autres personnages. On retrouve une oeuvre du même atelier dans un buste de saint Sébastien à Saint-Divy (voir aussi un vitrail de N.D. de Kergoat en Quéméneven).
2. Cinq bustes de saintes Femmes. L'une porte un vase de parfums. Les autres ont les mains jointes.
3. Groupe de six anges. L'un joue de la trompette et les autres ont les mains jointes.
4. Saint Michel, portant la Croix, présentant un seigneur donateur.
5. Saint Jean-Baptiste, avec son mouton, présentant un seigneur et sa dame. Ils pourraient être Claudine DE GUENGAT et son mari.
6. Saint Pierre, portant les clefs, présentant un seigneur et sa dame.
7. Nativité : la sainte Vierge et saint Joseph devant l'Enfant Jésus, couché sur la paille. Derrière se trouvent l'âne et le boeuf. La crèche est surmontée d'une Étoile.
8. Circoncision : le Grand-Prêtre est coiffé d'une mitre. Il se prépare à circoncire l'Enfant. Celui-ci est couché sur la table, soutenu par la sainte Vierge. A ses côtés, saint Joseph et deux autres personnages. « Quand, après huit jours, il fallut circoncire l'enfant, on lui donna le nom de Jésus, qu'avait indiqué l'ange, avant sa conception. Lorsque les jours de la purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, ils le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur: Tout premier-né mâle sera consacré au Seigneur. » (141).
9. Baptême de Notre Seigneur par saint Jean-Baptiste sur les bords du Jourdain. On remarque quelque chose de brillant qui peut être une colombe. « Alors survient Jésus; il arrivait de Galilée au Jourdain près de Jean pour se faire baptiser par lui. Jean s'y refusait: "C'est moi qui ai besoin de ton baptême, et toi, tu viens à moi!" Mais Jésus lui répondit: "Laisse faire pour le moment; car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice." Alors Jean le laissa faire. Au moment où Jésus, baptisé, sortait de l'eau, voici que les cieux s'ouvrirent à lui, et il vit, tel une colombe, l'Esprit de Dieu descendre sur lui »
(142).
10. Temple ou palais.

c) Verrière du bas-côté sud, au chevet
Elle comporte trois lancettes. Ce vitrail qui rappelle les verriers de Paris ou de la Vallée de la Loire, influencée par les Flamands, est, d'après René COUFFON, en rapport étroit avec les oeuvres de Nuremberg.
Cette fenêtre représente dans des tonalités conformes à la tradition du XVème siècle.
1. Saint Michel terrassant le dragon. Le saint a les cheveux bouclés, porte une cuirasse, un manteau, une épée et un écu. L'épée est appuyée sur un dragon vert gris à langue rouge.
2. Vierge Marie couronnée, tenant sur le bras gauche l'Enfant auréolé. Elle est habillée d'une robe bleue. Ils sont auréolés et couronnés d'or.
3. Saint Jean-Baptiste portant l'agneau. Le saint porte un manteau blanc.

René COUFFON, familier avec les gravures allemandes de la fin du Moyen-Age, a retrouvé dans la couronne portée par la Vierge, dans l'armure de l'archange, dans l'ampleur des nimbes et en général dans la richesse des pièces du décor, voire dans l'expression des visages, les traditions des artistes

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(130) Sans nom d'auteur : La Roche-Maurice - Non daté (environs 1985).
(131) LASCAUX (Mikael) : Eglises du Finistère sud - 1990(?).
(132) Evangile selon Saint Jean - Chapitre 19, verset 2
(133) Evangile selon Saint Luc - Chapitre 23, verset 26
(134) Evangile selon Saint Luc - Chapitre 23, verset 27
(135) Evangile selon Saint Jean - Chapitre 19, verset 25
(136) Evangile selon Saint Jean - Chapitre 19, versets 23 et 24
(137) Evangile selon Saint Jean - Chapitre 19, verset 34
(138) Evangile selon Saint Jean - Chapitre 19, verset 29
(139) Evangile selon Saint Jean - Chapitre 19, versets 38 et 39
(140) Ouest-France : Article non daté : Environs 1982 : "Le déplacement du retable du maître-autel, accepté par le conseil municipal, est réalisé à la demande du recteur et de quelques autres personnes qui estiment regrettable que ce meuble cache une partie du vitrail central considéré comme la plus belle de l'ensemble".
(141) Evangile selon Saint Luc - Chapitre 2, versets 21 à 23
(142) Evangile selon Saint Matthieu - Chapitre 3, versets 13 à 16